Réaliser une interview vidéo 

Comment réaliser une interview intéressante en général ?

 

Nous cherchons à répondre à la question « Comment réaliser une interview vidéo pertinente et efficace ? ». Posons-nous d’abord la question « Comment réaliser une bonne interview ? » quel qu’en soit le médium. Nous préciserons ensuite les spécificités de l’interview vidéo.

L’enjeu est de donner véritablement la parole à un interlocuteur. Le dispositif doit donc être capable d’accoucher de la substantifique moelle de ce que la personne connaît sur un sujet.

Cette démarche maïeutique aussi ancienne que les dialogues de Socrate nécessite de l’interviewer une démarche ambitieuse pour faire ressortir l’essentiel. C’est aussi une démarche modeste d’oubli de ce qu’il croit savoir, le temps d’une découverte distanciée d’un sujet.

Cette proxémique* se décline en effet à la fois au sens propre et au sens figuré dans une démarche d’interview.

* (art de la bonne distance)

L’interviewer, un candide averti

 

La posture de l’interviewer est forcément paradoxale parce qu’elle est celle du candide averti. L’interviewer se doit en effet de laisser ses propres analyses, arguments et présupposés idéologiques pour questionner sincèrement… Il doit néanmoins puiser dans sa culture pour rebondir avec pertinence sur les réponses et approfondir le questionnement. C’est donc bien un travail d’équilibriste que de se lancer dans l’art de l’interview.

Bien entendu, nous constatons quotidiennement que cet art du questionnement est largement dévoyé pour devenir technique de propagande. Certains interviewers coupent la parole, interagissent par sommations, n’écoutent pas les réponses… Ils cherchent plutôt à faire dire ce qu’ils exigent préalablement comme réponse attendue.  

Des interviewers de ce type sont souvent affublés du titre de journaliste. Ils sont pourtant en contradiction avec la charte de Munich qui précise le cadre déontologique de ce métier.

Cette charte, écrite en 1971, précise les droits et les devoirs du journaliste et mérite d’être connue par les professionnels.

Ce texte de référence, initialement dédié aux journalistes, établit  les bases d’un comportement sain lorsque l’on est en position d’interviewer. Il faut donc le connaître, que l’on soit journaliste officiel, reporter citoyen ou vidéaste professionnel.

 

Résumons quelques points essentiels issus de la charte de Munich :

 

• Respecter la vérité
• Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique
• Sourcer ses infos (non-confidentielles) et ne pas les altérer
• Protéger ses sources d’informations confidentielles
• Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations et documents
• Respecter la vie privée
• Rectifier toute information qui se révèle inexacte
• S’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement 
• Distinguer la démarche journalistique et la démarche propagandiste
• Refuser toute pression pouvant influencer la justesse de restitution de l’information

 

Une fois cette base déontologique établie, l’interviewer doit affiner son art en adoptant les règles de la communication efficace. Il s’agit d’adopter tout particulièrement une écoute active avec l’intention véritable de vouloir apprendre quelque chose de l’autre.

 

Communiquer efficacement

La communication professionnelle est l’objet d’une technicité et d’une attitude demandant rigueur, précision et capacité d’écoute : 

1. La première batterie de conditions pour améliorer cette communication intègre :

• Clarté
• Précision
• Concision
• Focus sur l’essentiel  
• La palette de questionnement « CQQCOQP » (Combien, Quoi, Qui, Comment, Où, Quand, Pourquoi)
• La prise en compte du cadre de référence de son interlocuteur. En effet, parler des planètes dans le cadre de référence d’un astronome est une chose. Aborder le même sujet dans le cadre de référence d’un astrologue est tout autre chose.)

La deuxième batterie de conditions réside dans l’attitude des interlocuteurs dont l’interviewer donne en premier le ton, à savoir : 

• Positivité
• Respect
• Disponibilité
• Attention
• Écoute active (reformulation de ce qui vient d’être dit)
• Distinction Faits/Opinions

Cela ne signifie pas que l’interviewer ne pose jamais de question dérangeante. Cela signifie que même dans ce cas, l’interviewé doit se sentir respecté en tant que personne.

On peut tout dire mais… pas n’importe comment.

 

Les spécificités de l’interview vidéo

 

Les préliminaires : gestion du son, de l’éclairage et… du stress de l’interviewé

L’enjeu est de donner la parole sans que le dispositif technique autour de l’interviewé ne soit une source de parasitage.

Les préliminaires sont à cet effet essentiels. Les micro-trottoirs, par exemple, sont par définition dépourvus de préliminaires. Ils génèrent généralement beaucoup de refus, de rushes sans intérêt et de perles hors-sujet. Les passants ne sont tout simplement pas préparés. 

Préparer l’interviewé sur les objectifs de l’interview s’accompagne idéalement  d’une préparation relative aux moyens qui seront utilisés.

L’éclairage est parfois dérangeant. Il est utile d’allumer les projecteurs durant l’installation du matériel en présence de l’interviewé. Il ne sera pas surpris, voire paniqué, de se retrouver sous un  flux soutenu de lumière au moment de l’interview.

De même, la prise de son est délicate. La seule présence d’un micro peut être déstabilisante. Nous préconisons un micro-cravate facile à oublier pour une prise de parole plus naturelle. Nous recommandons en redondance un discret micro cardioïde à bonne distance pour une interview vidéo “avec ceinture et bretelles”. 

La pause du micro-cravate sur le vêtement de l’interviewé empiète sur sa « bulle » personnelle de façon invasive. C’est justement le moment propice pour rassurer, informer, calmer.

Insister sur le droit à l’erreur est ici essentiel. L’interviewé doit se sentir en confiance. Sauf vidéo en streaming direct, il peut tolérer ses propres ratés, bafouillages, blancs, grimaces… Ils pourront être coupés au montage. Il doit être en outre assuré que plusieurs prises sont possibles.

 

Expliquons les coulisses de la vidéo

Lors de la préparation, nous recommandons d’expliquer le dispositif : 

• Champ-contrechamp interviewer / interviewé
• Interviewé seul à l’écran avec questions posées hors-champ 
• Montage des réponses avec questions implicites 
• Image de l’interviewer incrustée dans celle de l’interviewé
• etc. 

En effet, plus l’interviewé sera informé sur les coulisses de la vidéo, plus il aura tendance à être à l’aise devant la caméra. 

L’interviewé doit être acteur du dispositif plutôt qu’objet passif d’un interrogatoire. Il est encadré à travers des préliminaires dont les installations  techniques ne sont que la partie émergée.

 

Le décor

 

Pour rester centré sur l’essentiel, un décor sobre voire minimaliste met davantage en lumière ce qui est dit. Par contre, si le décor est, ou fait partie, de  l’objet de l’interview vidéo (expo, musée, jardin, nature, industrie, appartement, salle de concert etc.), un choix doit être opéré dès le départ.

Nous pouvons procéder à une interview vidéo in situ. Nous pouvons réaliser l’interview vidéo en studio avec une insertion de plans du site au montage.

Des autorisations sont nécessaires et des règles de sécurité spécifiques sont parfois à prendre en compte pour les tournages in-situ. L’obtention des autorisations prend parfois beaucoup de temps en amont du tournage. Cet atermoiement peut orienter voire contraindre les choix techniques.

Une façon dynamique de présenter une interview est l’interview vidéo en situation de mobilité. L’interviewer et l’interviewé se déplacent pendant l’échange tandis qu’un cadreur les suit. Le plan séquence ainsi tourné doit être rythmé par des pauses sur des repères clefs. (Par exemple une affiche explicative, un point de vue, une machine etc). 

Ce type de dispositif nomade demande davantage de repérages, de préparation et même de répétitions qu’un dispositif fixe. Il ouvre cependant des horizons didactiques souvent appréciables.

 

Les caméras et plans de coupe

 

Nous trouvons pertinent de disposer deux caméras lors d’une interview vidéo. 

• Une caméra fixe est dédiée au cadrage de l’interviewé en Plan Moyen, Plan Rapproché ou Gros Plan. 

• Une caméra est dédiée aux Plans Larges et/ou  aux plans en mouvement.

Au moment du montage, disposer de deux points de vue de la réalité filmée fournit davantage de liberté créative. Le  résultat est plus percutant et rythmé.

De plus, la capture de plans de coupe à différentes échelles, offre des opportunités de montage étendues. Par exemple, nous pouvons intégrer un Très Gros Plan sur les mains de l’interviewé. Nous pouvons également cadrer un objet présent dans son bureau et reflétant sa personnalité etc.)  

L’intégration  de l’interview vidéo

 

Une ou plusieurs interviews vidéo peuvent s’intégrer à un film institutionnel ou corporate. Dans ce cas, les interventions de l’interviewé sont généralement discontinues. Elles viennent s’insérer au sein de plans descriptifs, explicatifs ou entre des interventions d’autres personnes. L’identité et la qualité de l’interviewé peuvent alors faire l’objet de mentions simples en inserts écrits ou en rappels audiovisuels.

L’interview vidéo peut également être produite en tant que telle, pour se suffire à elle-même. Ici, une présentation plus élaborée de l’intervenant principal est nécessaire. De plus, un entraînement de l’intervenant aux techniques du pitch de présentation représente un atout clef.

 

L’interview vidéo : le médium de l’expertise

L’interview vidéo, lorsqu’elle prend en compte tous les aspects déontologiques, relationnels, techniques et artistiques, constitue un message de choix. En effet, elle assoit l’interviewé à la place enviée de l’Expert dans son domaine. 

Ainsi, pour apparaître dans un rôle d’expertise, le choix de l’interview vidéo est déjà celui d’un d’expert !